dimanche 16 juillet 2017

Olivier, mon ami, mon vieux frère



Douma
Quand j'ai quitté Douma en remontant pour passer de l'autre côté de la montagne, vers Bachtouda, j'ai découvert un autre endroit magique.
Il faut chercher un peu, faire un crochet dans Bcheale, pour toucher du doigt les temps immémoriaux.
Le long de la petite route, l'air de rien, un modeste champ d'oliviers bordé de traditionnels murets de pierres. De ces champs d'oliviers, j'en ai vu à foison déjà. Le Liban Nord en est truffé. Mais celui-là...
Il s'en dégage un air de pas déjà vu. Parce que des arbres vieux de 6 000 ans, je sais pas pour vous, mais moi, c'était bien la première fois que je me trouvais nez à tronc avec. Et puis, ce n'est pas seulement le nez que j'ai sollicité pour graver ma mémoire sensible, mais aussi la main évidemment. Ils m'ont bluffée ces vieux pas si rabougris !

J'ai posé ma main avec déférence sur les vieux troncs. J'y sentais grouiller une multitude d'histoires.
De combien de drames, de joies, de peines, d'amours, de deuils, de rires et de folies humaines ont-ils pu être les témoins ?
Ils sont toujours là, debout, tout ridés, le tronc tanné, tavelé, comme la peau d'un vieux loup de mer ayant parcouru les océans. Eux, n'ont pas bougé.


Ils se sont enracinés dans leur sagesse immuable. Et les caresser doucement, c'était m'imprégner de leur énergie vitale. Ils m'ont chuchoté à l'oreille que la vie passe, mais jamais les émotions. Je le savais déjà, mais l'entendre à nouveau rien qu'au toucher, c'était d'une intensité folle.
J'étais émue aux larmes de les rencontrer. Car, oui, c'était une vraie rencontre. De celles qui vous marque d'un sceau indélébile.

Ce que je n'avais jamais vraiment remarqué jusque là, et qui m'a sauté aux yeux cette fois-là, c'est que cette force végétale qui semble torturée, est en fait une véritable oeuvre d'art. Un tableau vivant, vibrant.
Comme un être humain qui a roulé sa bosse, l'olivier que j'ai scruté était plein de creux et de rides. Il semblait tatoué, parfois afficher un sourire, m'adresser un clin d’œil malicieux.



J'aurais voulu le prendre dans mes bras, l'enlacer, comme l'on fait des êtres humains qui nous touchent comme personne. Je n'ai pas osé, par pudeur. Et je les ai tous quittés à regret.

Il me faudra y retourner. Encore et toujours cette bonne vieille excuse pour ne jamais cesser mes allers-retours et m'enchaîner un peu plus à ce qui me fait aimer "mon" Liban.
Car moi aussi, "j'ai mon Liban avec les rêves qui y vivent" (K. Gibran).

dimanche 30 avril 2017

Sous le vent...

A peine une semaine après mon retour du Liban, j'ai encore le cœur qui bat plus vite à l'évocation de ces petites heures passées en bord de mer. Mais pas n'importe quel bord de mer ! Un paradis sur mer.

La journée avait débuté comme d'habitude, tranquillement. Ce matin-là, j'avais bouclé mon sac et tout bien rangé dans mon coffre, car je quittais le Nord pour suivre cette amie qui voulait aussi découvrir cette crique qu'elle avait en vain déjà cherchée. 


Pour une bien jolie entrée en matière, nous nous sommes d'abord arrêtées au monastère de Saydet el Natour (N-D du Gardien), idéalement situé juste devant la mer avec le voisinage de salines. Bleu sur bleu égale ?...

Il y a plus de 900 ans que ce "deir" aurait été construit par des 
moines cisterciens sur les vestiges d'un temple païen détruit au VIème siècle par un tremblement de terre. Mais j'ai une nette préférence pour la légende populaire qui dit que ce monastère aurait été construit par un homme extrêmement riche dont la conscience était fort encombrée de turpitudes en tous genres... Natour signifie gardien en arabe, ou celui qui attend. La tradition orale parle de cet homme abandonnant tout et se réfugiant, totalement démuni, dans une grotte sous l'actuel monastère. Il se met les fers aux pieds et jette la clé à la mer. Il passe des années à supplier Dieu de lui accorder sa miséricorde. Un jour, un pêcheur lui offre un poisson dont les entrailles lui livre la clé qu'il avait lui-même jetée, signe du pardon divin. C'est en remerciement que cet homme aurait construit cet endroit. 

A l'intérieur, nous avons eu la belle surprise de découvrir une église dont tous les murs sont recouverts de fresques religieuses, plafond compris ! 

A l'approche de notre but, Enfé, mes pulsations déjà augmentaient... A pied, l’œil aux aguets, nous avons d'abord découvert de bien jolies maisons, certaines blanches et bleues, et une église magnifique dotée d'un parvis éclatant.

Mais là où ma mâchoire a eu une franche faiblesse de longue durée, façon poisson hors de l'eau, c'est lorsque nous avons enfin trouvé ce petit bord de mer aménagé à la grecque. 

Taht el Rih, "Sous le vent", c'est son nom. J'en ai encore la sensation dans les cheveux. Et vlan ! Je suis re-tombée amoureuse. C'est vrai aussi que j'ai tendance à tendre le bâton pour me faire battre, comme on dit. Mais là...faudrait se faire faire une "cardiosectomie" (ne cherchez pas, je viens de l'inventer) pour rester de marbre. C'est bien simple, je ne voulais plus partir. Le pompon dans cette histoire, c'est que pour parvenir à ce paradis miniature, on doit traverser un petit cimetière. Ce sont donc les habitants de ces dernières demeures qui sont les mieux placés ! Jugez plutôt...



Je suis déjà toquée depuis un bon moment... me voilà totalement gaga !













jeudi 16 février 2017

Ma réserve à rêver

Déjà neuf mois que je n'ai pas remis les pieds au Liban... Pour une toquée, c'est la limite du supportable. Heureusement que je viens d'acheter le billet d'avion qui me permet de faire à nouveau un projet de programme tous azimuts !

Je vais m'en payer des paysages à en tomber par terre, des rencontres amicales à m'en décrocher la mâchoire de sourires, des visites de lieux encore inconnus à avoir le cœur qui bat la chamade, des verres d'arak à... non ! Je vous vois venir, mais non ! Il y a déjà assez de fous du volant sur les routes libanaises...

Cette fois, je me prépare à écumer les souks, ceux de Tripoli et Saïda. Dénicher des trucs un peu bling-bling mais pas trop, juste assez pour
que çà plaisent à mes amis frenchy. Aller fouiller chez les souffleurs de verre de Sarafand et voir la vie en transparence colorée...

Déambuler dans les villages au charme fou, aux maisons aux toits rouges ou aux portes et volets bleus, avec des airs de vacances éternelles.
Anfeh (avec l'aimable autorisation de Jad Ghorayeb)

Inspirer goulûment les effluves de jasmin tellement entêtants qu'à des milliers de kilomètres de là, je les sens encore !

Engranger des milliers d'images, de regards, de saveurs, de parfums, de couleurs, de formes, de sons.
Ce sera ma réserve dans laquelle je pourrai puiser à satiété, une fois rentrée. Mon poumon de secours lorsque le quotidien devient étouffant de grisaille et de morosité. Ma bibliothèque intérieure dans laquelle mes rêves plongent régulièrement pour décorer mes nuits et que je voie le jour sous une autre lumière.
Ce n'est pas de la nostalgie, c'est mon projecteur ; ma machine à projets et ma toile en 3D.